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9 mai 2010 7 09 /05 /mai /2010 12:21

Je suis complètement bouleversée par le décès soudain d’une amie, et j’ai besoin d’exprimer ce que je ressens et de raconter les événements. Asma était une bonne amie, la femme du meilleur ami de Khalil, Mohamed, et la maman d’une des bonnes copines d’Elias, Rita. En partant pour Zagora passer l’aïd avec la famille de son mari (qui est, lui, en formation au Val de Grâce à Paris, depuis 9 mois et pour encore 6 mois), avec son beau frère qui les conduisait, deux jeunes filles d’une autre famille de Zagora, et Rita, ils ont rencontré de front un car qui venait dans l’autre sens, dans un virage. Elle n’avait pas sa ceinture de sécurité, Rita non plus. Les autres ont été sauvés par airbags et ceintures, bien que le chauffeur soit mal en point, et vient de sortir de l’hôpital. Rita a, semble-t-il été sauvée par sa mère : elle a des traces aux chevilles qui montrent qu’elle a été retenue très fort. Asma a malheureusement traversé la voiture pour atterrir dans le plafond à l’avant de la voiture. Heureusement, d’après tout le monde, elle est morte sur le coup. Mohamed a été prévenu immédiatement (grâce aux téléphones portables) et a tout de suite quitté Paris pour venir à Marrakech. Au Maroc, on enterre les morts dès le lendemain. C’est peut-être mieux ? L’accident n’avait pas eu lieu depuis une heure que Khalil avait Mohamed au téléphone, bouleversé et méconnaissable : Khalil n’a pas reconnu sa voix. Heureusement, il a pu décaler son départ pour Casa où il devait récupérer un groupe de clients, et ainsi il a pu être là pour son ami le soir et le lendemain.

Le soir même, à l’aéroport, les amis de Mohamed étaient nombreux pour l’accueillir et le soutenir. Cela devait être tellement dur d’arriver ainsi sous le choc, venant de si loin, se sentant déconnecté et à la fois si brutalement mis dans une ambiance terrible !

Khalil est rentré assez tard, et nous n’avons pas pu dormir. Le lendemain serait dur pour tout le monde, et tellement plein d’émotions. Je suis allée faire mes condoléances à la famille d’Asma : les hommes restent dehors, dans la rue, et les femmes sont à l’intérieur. J’ai été impressionnée par le nombre de personnes qui étaient là pour entourer la famille. Bien sûr, le plus éprouvant, surtout pour quelqu’un d’émotif, ce sont les pleurs des autres femmes : ici, on se lâche, on ne se retient pas : cela donne des crises de larmes et de hurlements très douloureux. En même temps, cela fait sortir l’émotion, et je pense que personne ne garde intériorisée sa peine. Mohamed étant en train de préparer sa femme pour l’inhumation, puis pris par prière et enterrement, je ne l’ai pas vu. Les femmes sont séparées des hommes, elles ne vont pas au cimetière ni à la prière à la mosquée. Elles restent là à pleurer.

Pour ma part, comme j’étais avec Elias, je ne suis pas restée très longtemps, d’autant que Hind, la sœur d’Asma, m’a demandé si je pouvais trouver un poupon pour Rita, qui avait perdu le sien dans l’accident. Je suis donc allée à a recherche d’un poupon de remplacement. En rentrant avec un bébé et une peluche, choisie par Elias pour son amie, j’ai croisé le cortège qui se rendait de chez les parents d’Asma jusqu’au cimetière. J’ai à nouveau été très impressionnée par la quantité de gens qui étaient là. C’est super, pour Mohamed et sa famille, de se savoir tant soutenu et accompagné. En fait, le corps a été amené pour que les femmes le voient, avant que le cortège ne parte pour le cimetière.

Le lendemain soir, troisième jour du décès, on lit traditionnellement des versets du Coran dans la maison de la personne décédée. Là ne sont conviés que les hommes. Je trouve un peu dur de ne pas pouvoir, en tant que femme, prier en communion avec les hommes, ni de pouvoir accompagner le mort jusqu’à sa tombe. Est-ce pour protéger les femmes ? Je ne sais pas très bien.

L’aïd el fitr, qui clôt la période du ramadan a été bien triste pour ces deux familles. La tradition veut qu’on se rende visite pour l’aïd et se souhaiter bonne fête, alors nous nous sommes retrouvés avec les mêmes autour de pâtisseries que personne n’avait le goût de manger. Après la visite chez les parents d’Asma, je suis allée chez l’une des sœurs de Mohamed, dont le mari est le chauffeur blessé. J’ai enfin trouvé Mohamed, que je n’avais pas encore vu. Il tient le coup. Après avoir été effondré, sous le choc de la brutalité de l’événement, il est admirablement calme. Il dit qu’il se sent bien tant qu’il est dans l’ambiance de la famille et qu’il y a du monde autour de lui, et qu’il craque quand il se retrouve seul. Le plus dur pour lui est à venir : comment s’occuper de sa fille en étant à distance, comment va-t-il la retrouver quand il rentrera de France, comment resserrer le lien et s’occuper d’elle lorsqu’il sera seul à Marrakech, tout en travaillant. Tant de questions qui trouveront leurs réponses au fur et à mesure, avec toute l’aide de l’entourage proche de Mohamed. Il pense essayer de faire des allers-retours réguliers d’ici son retour définitif à Marrakech, justement pour ne pas rester longtemps loin. C’est sûrement mieux pour lui aussi, afin de ne pas se sentir trop seul.

Nous ferons ce qu’on peut pour l’entourer et l’accompagner, pour être présents et l’aider avec Rita. Elias a joué un peu avec elle à chaque fois que nous sommes allés dans la famille d’Asma, et il demande toujours où est sa maman et pourquoi elle est allée dans le ciel ? Il se met à hurler quand il me voit pleurer. C’est dur de lui expliquer que je peux être triste moi aussi. Quant à Rita, elle a dû comprendre, car elle ne demande pas du tout sa maman. Elle ne veut qu’une personne pour s’occuper d’elle, Hind, sa tante. J’espère qu’elle ne gardera pas trop de traces de ce terrible choc. Il faut maintenant organiser la suite de la vie quotidienne, ici ou en France.

Je reprends ce courrier quelques jours plus tard. Khalil est rentré de circuit et nous avons déjeuné hier avec Mohamed et Rita, ainsi qu’un Colonel français ami de Mohamed en séjour à Marrakech avec sa famille. Rita m’a sauté dans les bras pour faire un long câlin : elle n’a jamais été comme cela avec moi et ça m’a bien remuée. C’est dur de savoir ce qu’il se passe dans sa petite tête. Elle a l’air d’aller bien, mais se met parfois à s’énerver et à hurler. Mohamed, quant à lui, apprend à gérer une petite fille de a à z. L’emmener aux toilettes et la rhabiller correctement par exemple (avant c’était Asma qui faisait cela).

Ma belle-mère est de passage en route vers Casa où elle doit voir son médecin spécialiste du cœur car elle est à nouveau malade, très affaiblie et toute molle. Espérons qu’on la soignera rapidement car elle ne mange presque plus rien sauf ses médicaments et n’a plus de forces. Khalil est un peu inquiet et, heureusement, tous les frères et sœurs se soudent autour de Hajja pour qu’elle soit entourée et pour faire tout le nécessaire.

Quant à Elias, il est très fatiguant en ce moment et m’épuise ! Plein d’énergie, il a besoin de se défouler et ne dort pas comme je le voudrais. Il sent sûrement que la venue du bébé va lui prendre beaucoup et me le fait payer : comme je suis souvent seule à m’occuper de lui, Khalil étant souvent en déplacements ou bien absent aux heures où il faut s’occuper de lui (bain – dîner, coucher), c’est moi qui paie – d’autant que, quand c’est Khalil qui s’occupe de lui, ça se passe toujours mieux qu’avec moi. Avec la grossesse et sans doute la fatigue des derniers mois, je ne suis pas très zen dès qu’il s’énerve et ne suis pas du tout patiente. Heureusement qu’il passe ses journées à l’école : c’est du répit pour moi.

Je sais que vous voulez que je vous dise comment se porte le futur bébé : tout va bien, et moi aussi, même si je commence à fatiguer quand je fais des journées trop longues. En tous cas, c’est un bébé qui bouge considérablement : autant d’énergie qu’Elias ? Au secours ! Je suis bien suivie et il n’y a pas de problème. L’accouchement est programmé entre le 12 et le 20 décembre, Inch’Allah. J’ai tricoté un peu, mais sans acharnement. Je vais bientôt m’occuper de préparer toutes les petites affaires nécessaires pour la maternité.

Nous arrivons doucement vers les mois froids : il fait encore 33° ! et la saison touristique va se calmer jusqu’à Noël. La Toussaints à vu Marrakech se remplir de touristes et toutes les maisons d’hôtes étaient remplies.

Je vous embrasse touts bien fort,

Affectueusement,


Véro

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