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23 mai 2010 7 23 /05 /mai /2010 22:28

 

Bonjour à tous,

Je reprends ma « plume » difficilement. Tellement de choses à partager et si peu de temps en continu devant moi : avec les enfants et surtout Mayssa (car Elias est à l’école toute la journée) tout ce que j’entreprends est entrecoupé de moments à changer la couche, jouer, donner à manger … Même si notre « dada » Kbira (la nounou) est là pour aider, quand je suis à la maison, Mayssa est davantage avec moi, Kbira faisant également les repas et le ménage.

Khalil vient d’offrir sa première tenue à sa fille : du rose ! C’est très touchant de voir un père avec sa fille. Ils ont vraiment une relation particulière, et l’on peut vraiment dire que Khalil est gateux. Mayssa a maintenant 14 mois, elle est un bébé joyeux et drôle, cherchant toujours à faire rire les autres. Câline et énergique à la fois, c’est un bonheur pour nous et pour Elias. Elle joue, parle sans cesse, danse, chante, fait des cabrioles et hurle dès qu’elle le peut avec Elias.

Elle prend encore le sein une ou deux fois par jour, mais se nourrit d’autre chose : elle mange de tout, en purée ou écrasé. Elle a maintenant 5 dents, dort encore matin et après midi, ce qui bloque un peu les éventuelles activités : elle sort se promener après la sieste : nous allons parfois chercher Elias ensemble et allons au jardin public ensuite. Mayssa a deux amis de son âge que l’on retrouve parfois au square avec leurs mamans. Le matin, quand je suis à la maison, elle joue autour du bureau où je travaille : vider la corbeille à papiers pour la remplir avec ses jouets est l’un de ses plus grands jeux, de même que mettre par terre tous les livres de la bibliothèque qui sont à portée de sa main. Si je mets la musique sur l’ordi ou que j’appelle quelqu’un sur skype, alors elle accourt pour participer… et m’empêcher de continuer.

Elias, lui, grandit et « devient fort » (c’est l’un de ses grands objectifs, l’autre jour, il s ‘amusait à faire de la muscu avec un baton tendu entre les deux bras, le levant et le baissant tout en soufflant, pour montrer l’effort fourni). Il est toujours drôle et sympa, très désobéissant, surtout avec moi (j’ai toujours eu un problème d’autorité !) mais charmant, très dynamique, et plutôt de bonne humeur. Bien sûr il se fâche contre nous si nous lui donnons des interdictions (hier matin, fâché contre son père il m’a dit : « maman, je veux que papa ne reste pas dans ce pays » ), mais il n’est pas, pour le moment, rancunier.

Il va volontiers à l’école, et rentre enchanté, même s’il ne raconte pas grand-chose. Il a de bons copains, que l’on reçoit de temps en temps à la maison et vice-versa. Malheureusement, son meilleur copain part ce week-end pour Lyon, où ses parents ont décidé de rentrer. Quand je l’ai annoncé à Elias, il a pleuré et lorsque je lui disais qu’il avait d’autres copains, il m’a rétorqué « mais ils ne m’intéressent pas, c’est Mathis qui m’intéresse ! ». 

Elias est un enfant assez curieux, qui s’intéresse à pas mal de choses. Il aime le sport, la musique, les livres, la télé, les jeux sur l’ordi, et surtout chahuter et rigoler. Il est plutôt bon vivant, gourmand, heureux de vivre. A l’école, il apprend un peu à écrire, en arabe et en français. Il va bien plus vite que moi en arabe, et intègre bien mieux que moi !  Il est fort probable, l’année prochaine, qu’il fasse sa grande section à l’école française et non dans son petit jardin d’enfants actuel : l’école française (« la mission » comme on dit ici…) est plus proche de chez nous et cela lui permettra d’approcher déjà la « grande école » ! Cela va me changer la vie, car il n’y a pas de cantine à l’école française : il faut donc prévoir de récupérer Elias pour le déjeuner tous les jours.  Avez-vous vu le reportage récent d’une chaîne française sur « les maternelles d’élite » : on voyait une jeune maman préparer sa fille de 2 ans pour un examen / concours pour entrer en maternelle à New York. C’était pour rentrer à la maternelle de l’école française de NY ! J’étais sidérée, mais je viens de découvrir que c’est pareil ici : les marocains qui veulent mettre leurs enfants « à la mission » doivent leur faire passer un concours… Cela explique que cette école ait un très bon niveau (d’après tout le monde ici). Moi ça m’impressionne. On verra l’année prochaine !

Khalil quant à lui est toujours très pris par la caravane des épices (et son hammam – soins – massages) qu’il supervise de près, d’autant que son associé Brahim est sur le point d’avoir un bébé, alors il consacre davantage de son temps à sa femme et sa famille actuellement. Je suis donc environ une semaine sur deux seule avec les enfants. Les circuits n’ayant pas encore commencé, cela devrait être un rythme plus soutenu dans les 3 mois qui viennent. Les affaires marchent bien en tout cas, et c’est une bonne chose, car le ryad, l’année 2007, n’avait pas progressé en termes de chiffre d’affaires, contrairement aux autres années.

Pour ma part, j’ai un peu rempli mon temps libre avec le sport (je fais bêtement de la gymnastique en salle en attendant le retour des beaux jours et la piscine, qui devrait reprendre d’ici moins d’un mois maintenant) , le bénévolat à l’hôpital en pédiatrie, et les cours d’arabe. Il y a toujours le ryad et les clients, la chorale, et les enfants. Finalement, j’ai un bon rythme à mon goût. Pour vous, cela semblerait certainement très relax, mais je profite bien des enfants et vice versa.

Après une semaine bien chargée (de la famille de passage et des invitations) je reprends mon mail laissé à l’abandon. Khalil est à Ouarzazate pour sa boutique / hammam (bientôt un site internet qui vous donnera un aperçu de ce qu’il fait concrètement !), nous avons eu une grosse semaine de temps très étrange, lourd, humide, pluvieux, nuageux : tout ce qu’on n’a jamais ici ! Ce matin, le soleil est de retour et la montagne apparaît étincelante de blancheur. Elias glandouille entre jeux et dessins et Mayssa fait la sieste.

Je voulais vous donner quelques nouvelles de Marrakech. La ville ne cesse de grandir, grossir, telle une boulimique qui deviendrait obèse (je trouve ces termes crus mais assez parlants). Le trafic est devenu difficile, en particulier à certaines heures, la pollution également, et je crains le pire pour les années à venir. Saura-t-on gérer correctement ce développement, qui n’est pas forcément mauvais ! Il y aura sans doute des à-coups avec des phases difficiles comme celle-ci ? Je reste optimiste, croyant en la valeur des hommes en place et leur souci du bien commun avant leurs intérêts privés (mais il y a tellement de corruption ici que c’est dur d’avoir confiance).

Tellement de quartiers, anciennement zones de villas avec des jardins sont en train de devenir des zones d’immeubles (c’est tellement plus rentable actuellement). A côté de cela, il y a une pénurie de logements à prix moyen ou faible, et si peu en construction. Que vont devenir les « Marocains moyens » qui ne peuvent plus se loger en ville ? Que dire du nombre de maisons somptueuses construites dans la périphérie de la ville, vendues ou à vendre pour des riches Marocains de Casa ou Rabat, ou des étrangers souhaitant s’installer à mi-temps ici. C’est bien, on développe les belles choses plutôt que le bas de gamme, on attire des gens d’un niveau aisé, qui vont consommer et développer le commerce. Mais tant de maisons sont toujours vides, vendues ou non, je ne le sais pas, inhabitées la plupart du temps, c‘est sûr. La clientèle choisie, consommatrice, fait monter les prix, ce qui rend la vie plus difficile aux gens aux revenus modestes. Le serpent se mord la queue.

On a déplacé le marché de gros du centre ville (un immeuble de 5 étages pousse à son ancienne adresse) pour le mettre dans la zone industrielle. Par conséquent, les charrettes tirées par des ânes, qui auparavant faisaient la course entre le marché et les échoppes en médina, ne peuvent que très difficilement faire la distance à parcourir, ou alors en chargeant les charrettes deux fois plus qu’avant pour que ce soit rentable. 

Les charrettes débordantes prennent une partie du chemin que nous faisons pour aller à l’école le matin, dont un tunnel sous une route : il faut voir les pauvres mules tirer tant bien que mal leur chargement dans la montée, poussées par leur « chauffeur » qui a pris pitié (parfois ils n’ont pas pitié et ils fouettent de leur bâton, en criant à la pauvre bête d’avancer…). Elles avancent au pas, leurs sabots glissent sur l’asphalte, elles arrivent péniblement en haut de la côte avec la langue pendante, haletante.

C’est bien triste et je crois que cela explique le nombre de bêtes abandonnées, dont je vous ai parlé récemment, et qu’on ne voyait pas avant… La solution est devenue bien souvent de prendre des triporteurs : le coût est bien plus élevé, et cela se ressent ensuite chez le petit marchand  en médina. Je pense que c’est tout de même mieux de mettre le marché de gros en périphérie, mais on n’avait peut-être pas prévu les conséquences sous cet aspect. A part cela, nous avons un très  beau centre commercial autour de la place de la poste centrale à gueliz : cela s’appelle le Plazza (mazette !) et les immeubles sont splendides, avec de belles boutiques, des cafés chics, on se croirait à Paris.

C’est bien pour les Marrakchis, qui cherchent à trouver quelques repères plus modernes et occidentaux que la médina. La médina, elle, ne change que très peu, heureusement. Quelques « gros propriétaires » transforment plusieurs maisons ou tout un quartier en un hôtel de luxe pour étrangers cherchant le dépaysement. C’est le plus gros changement et cela ne touche pas l’essentiel des quartiers. Que pense Lyautey dans sa tombe, voyant cela, lui qui avait défini comme règle, lors du protectorat des Français ici, que l’on ne toucherait pas à la médina pour la préserver : c’est ainsi que Guéliz était née, les Français construisant leur partie de la ville hors les murs.

En dehors de ces aspects un peu négatifs, je vois tous les jours des gens se mobiliser pour améliorer la situation, pour préserver les espaces verts, pour se soucier de l’eau, pour aider leur prochain, loin de la corruption et des enjeux du pouvoir et de l’argent, marocains comme étrangers. Ça fait plaisir et l’on se dit qu’on est sur la bonne voie. Les moments passés à l’hôpital comme bénévole sont difficiles car il faut affronter la maladie des enfants, le cadre pas très réjouissant, la pauvreté des moyens, et surtout il faut parler arabe, parfois il faudrait parler berbère (je n’en suis pas là !).  Mais c’est satisfaisant de voir le sourire d’un enfant avec qui l’on passe un peu de temps, avec lequel on joue, alors qu’il n’a personne de sa famille, trop éloignée. C’est basic, mais c’est un petit peu à mon niveau.

Enfin, pour ceux qui connaissent Zagora et les rives de l’oued, la palmeraie où la famille de Khalil cultive depuis des lustres les champs, voici une anecdote qui risque de tourner à l’événement majeur pour notre famille et beaucoup d’autres. Le Roi, qui n’a probablement pas assez de lieux où séjourner, vient de demander à acheter plusieurs hectares en bordure de l’oued (dont toute la partie fertile appartenant à notre famille…) pour s’y faire construire une résidence. Je ne sais pas ce qui va se passer concrètement : de nombreux petits propriétaires n’osent pas dire non, le gouverneur de la province a laissé entendre des ordres de prix dérisoires, Khalil, quant à lui, a demandé des sommes astronomiques. Il est certain que si nous devons vendre ces terres, ce sont tous les revenus de mon beau-frère et ses moyens de subsistances ainsi que ceux de ma belle-mère (récoltes de céréales, dattes, légumes) qui disparaissent. Est-ce qu’on veut développer l’exode rural, ou veut-on que les propriétaires actuels deviennent fermiers pour le Roi ? C’est ahurissant, et déroutant pour ces familles qui n’ont jamais pensé faire autre chose que travailler la terre qui est autour de leur maison.

Je vous laisse sur ces réflexions, la suite au prochain numéro,

Affectueux baisers

Véronique

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