RISSALA MEN MARRAKCH RAQAM JOUJ
lettre de Marrakech numéro deux
Bonjour à tous,
Aid moubarak said ! (bonne fête en arabe) – Il y a quelques jours, nous avons égorgé le mouton sur la terrasse de la maison, sacrifice rituel chez les musulmans, en souvenir de celui effectué
par Abraham. A cette occasion entre 5 et 6 millions de moutons devaient être égorgés le même jour dans le royaume ! Ce fut une expérience inoubliable pour les clients qui résidaient chez
nous à ce moment là ravis de vivre ce symbole au cœur de la tradition. Le matin du jour J, après la prière (qui a lieu, pour les fêtes, sur un terrain en plein air) le boucher vient chez nous et
réalise le geste rituel après avoir prononcé les paroles sacrées en direction de la Mecque. Le mouton avait été acheté quelques jours auparavant et était gardé chez un cousin. La tradition
veut cependant qu’il demeure sur le lieu même du sacrifice jusqu’au jour J mais il s’agit d’un exercice difficile dans un ryad complet pour la période…. Dès 10h30 – 11h00, la délicieuse odeur des
brochettes envahit toute la ville, car c’est ainsi que commence la fête une fois le mouton dépecé. La tête et les pattes du mouton sont emmenées au coin de la ruelle, où des jeunes se chargent de
les griller pour tout le quartier. Le reste du mouton est le plus couramment maintenu suspendu par une patte pour sécher jusqu’au lendemain. Des hommes passent dans les rues pour récupérer les
peaux. Soit ils les achètent et elles deviendront les paires des babouches si prisées des touristes, soit elles sont tannées et lavées, puis ramenées chez leur propriétaire. Nous venons de
récupérer la nôtre, petit tapis tout blanc et moelleux.
La viande du mouton est consommée pendant plusieurs semaines après l’aïd, sous toutes ses formes : méchoui, brochettes, tajines
divers. Une partie de la viande est assaisonnée avec des épices puis séchée. On peut alors la conserver longtemps et la consommer tout au long de l’année.
La fête est l’occasion, traditionnellement, d’offrir des vêtements aux enfants. Les adultes, eux, portent les vêtements de
cérémonie : djellaba blanche et babouches jaunes pour les hommes, caftan scintillant pour les femmes. C’est également l’occasion de rendre visite à la famille et aux amis durant les jours
suivants.
La haute couture à l’honneur à Marrakech. Courant avril,
nous allons pouvoir vivre le fameux défilé de caftans « caftan 2005 » qui réunit les plus grands noms de
la haute couture orientale. Ce défilé est devenu une institution et a lieu dans la ville rouge depuis 2 ans, après avoir débuté à Casablanca.
Du nouveau pour les touristes : des courses de dromadaires tous les 15 jours, sur un camélodrome, à la sortie de Marrakech en direction de la vallée de l’Ourika, le dimanche de 10 à 12, de novembre à
mai.
La place jemmaa el fna vient d’être rénovée et est superbe ! Les travaux ont débuté en mai 2004 et sont quasiment finis. La place et ses abords ont été entièrement repavés et la circulation n’est plus du
tout autorisée (sauf bien sûr aux charrettes, calèches et 2 roues). Les vendeurs de fruits secs et de jus de fruits ont été équipés en nouvelles « roulottes » typiques et neuves :
des petits kiosques avec lanternes et étal pour mettre leurs produits. Les restaurants ambulants bénéficient de l’électricité le gaz et l’eau.
Ces mots qui nous piègent :
Savez vous ce qu’est un ryad ? le terme est
maintenant bien connu, mais utilisé pour indiquer une maison d’hôtes, voire un petit hôtel dans une maison ou dans un palais au Maroc. En fait, riad (ou ryad) veut dire jardin, et s’applique aux
maisons traditionnelles arabes, construites autour d’un jardin. En arabe littéraire, ryad signifie « jardins du paradis » et c’est un terme pluriel – le singulier est raoud. La capitale
d’Arabie Saoudite en tire son nom. Il y a des quartiers à Marrakech qui s’appellent riad laarous ou riad zitoun, ce sont des quartiers de jardins. Le terme a été galvaudé avec la mode des maisons
d’hôtes dans d’anciens ryads à Marrakech. On en trouve de superbes, véritables petits palais autour d’un patio arboré, traditionnellement avec 4 parcelles de jardin et une fontaine centrale. Ce
sont les vrais ryads. Ils sont toujours situés dans la médina (intra-muros), étant en réalité des demeures anciennes. Avec l’intérêt porté par les touristes aux ryads, toutes les maisons qui
reçoivent des hôtes pour passer la nuit ou sont simplement construites autour d’un patio comme l’essentiel des maisons en médina se sont appelés ryads, que ce soit dans la ville moderne ou dans
la palmeraie.
La nouba, c’est faire la fête, la java, je n’aurais
jamais pensé que cela venait de l’arabe. Savez vous que nouba signifie « le tour » (au sens c’est mon tour). Dans la vie familiale à l’ancienne, plusieurs générations vivaient en même
temps dans une même maison (un ryad par exemple) et la belle-mère définissait le tour de chaque femme (au Maroc il peut y en avoir jusqu’à 4 pour un homme) : c’était la nouba : autant
pour accueillir le mari dans sa chambre que pour faire les repas ou le ménage. Est-ce que la nouba au sens « faire la fête » était quand le mari dormait avec vous ou était-ce au
contraire lorsqu’il était dans un autre lit ? Je n’ai pas la réponse.
Marrakech n’a pas eu aussi froid depuis les années 50 ! Le Maroc également, qui, depuis 15 jours environ a froid, est sous la neige pour les régions orientales et du nord. Khalil a vu des flocons de
neige dans la palmeraie il y a quelques jours ! Nous avions ce jour-là -1° sur la terrasse au réveil… Le malheur est que certaines plantes n’ont pas résisté, les terrasses ont souffert, avec
les feuilles et les fleurs abîmées par le froid. Le pire étant que dans la région productrice de fruits et légumes (le Souss, aux alentours d’Agadir) les récoltes ont presque toutes gelé.
Dernières nouvelles du ryad Marhbabikoum : nous
avons enfin installé la terrasse / solarium, pour ceux qui cherchent le soleil ou simplement pour un point de vue panoramique sur tout Marrakech : la koutoubia et le coucher de soleil
derrière les grands palmiers d’un côté, l’Atlas enneigé de l’autre, le palais de la Bahia ou Dar Si Said, on peut profiter de l’ensemble de la vue à 380°. Ce sera exquis pour les apéros et dîners
à la belle saison. Actuellement nous profitons davantage du grand salon du bas, avec sa cheminée, qui tire bien et fonctionne tous les soirs, accompagnée parfois d’un concert de luth et darbouka
par nos musiciens maison Samad et Yassine. Enfin, nous vous invitons à demander de déguster le vin d’orange produit localement avec de l’eau de vie de figues, ainsi que la confiture d’oranges au
caramel, qui en a conquis plus d’un(e).
Nouvelle rubrique : nous vous proposons de tenir
(autant que possible et de la façon la plus précise que possible) un agenda des prochains événements culturels au
Maroc. Celui-ci se complètera au fur et à mesure des informations qu’on saura dénicher, ce qui est bien difficile ici…
Les prochains événements culturels au Maroc (non exhaustif)
Le moussem des cerises, fête populaire à Sefrou (moyen Atlas) au printemps,
Le moussem des chevaux, véritable festival de fantasias, dans la région de Fès au printemps,
Le printemps musical des alizées (musique classique) à Essaouira, fin avril début mai,
La fête des roses moussem populaire, à kelaa ‘mgouna, dans la vallée du Dadès (dite « la vallée des roses »), début mai,
Le festival des musiques sacrées à Fez, en mai,
Le festival de musique gnawa et musiques du monde, à Essaouira fin juin,
Le festival des arts populaires à Marrakech, fin juin début juillet,
Le moussem des dromadaires à Tan Tan, aux portes du Sahara, en septembre,
La fête des fiancés, moussem populaire à Imilchil – Atlas, début septembre,
Le festival international du film de Marrakech, début octobre,
La fête des dattes, moussem populaire à Erfoud, dans le désert, en octobre,
A bientôt,
Véronique, Khalil et Elias
RISSALA MEN MARRAKCH RAQAM TLETA
Lettre de Marrakech numéro trois
Bonjour à tous,
Peut-être aurez vous suivi cela de loin, il y a quelques jours, le jeune prince moulay Hassan, fils de Mohamed VI, qui a quelques
mois de plus qu’Elias, a fait la circoncision. C’est une fête dans tout le pays, et 1000 autres enfants, provenant de toutes les régions du royaume, ont été « réquisitionnés » pour
faire la circoncision le même jour que l’héritier ! La cérémonie s’est passée à Fès, mais des célébrations étaient prévues dans les autres villes du pays. Nous avons vu le roi et son fils
sur un cheval blanc, dans les rues de Fès. C’est la tradition, avant la circoncision : on fait normalement une visite aux lieux saints de la ville – pour le Roi, à Fès, c’était un pèlerinage
au mausolée de Moulay Idriss. Nous sommes allés voir les fantasias organisées en son honneur, non loin du palais royal. C’était très impressionnant : de nombreux chevaux, des tirs répétés,
Elias ne s’en est pas encore remis.
Côté climat, nous avons un printemps trop sec, mais beau pour les touristes. Nous avons eu quelques journées à 35 / 38°, mais nous voici à
nouveau dans des températures de saison, qui ravissent les étrangers en manque de soleil et de chaleur, sans trop encore nous accabler. Tout le monde peut profiter de la terrasse pour se dorer la
pilule sans brûler, et les plantes ont rapidement repris du poil de la bête après le gel.
La maison a maintenant pris son rythme de croisière et nous avons une très bonne saison. Les clients viennent et reviennent, nous envoient
leurs amis et leur famille, nous sommes ravis. Merci à chacun d’entre vous de parler de nous. Cela nous amène toujours des clients sympathiques et intéressants.
La maison étant à taille humaine, nous avons plaisir à recevoir nos invités, même lorsque l’on est au complet. Elias, la star du ryad,
également : il fait son spectacle à chaque nouveau venu : dit bonjour, salamaleikoum (salamatoum, pour le moment), chante une chanson et danse tel un gnawa ! Comme les gens ne
restent jamais plus d’une semaine, personne n’a le temps de s’en lasser et le charmeur réussit son coup à chaque fois.
Aujourd’hui nous fêtons la naissance du prophète Mohamed, une sorte de Noël musulman. C’est un jour férié, et la plupart des gens qui le
peuvent sont partis dans leur famille pour la fête. Alors, AÏD Moubarak Said !
Les événements à venir sont prometteurs :
A Marrakech, du 24 au 30 avril, la semaine de la mode va
précéder le grand défilé de mode « orientale » : Caftan 2005.
Du 18 au 24 mai, le 4° festival Mawazine des rythmes du monde se déroulera à Rabat,
Du 24 au 30 mai, nous aurons le 6° festival de
jazz à Tanger,
Du 3 au 11 juin, le 11° festival des musiques sacrées à Fès, recevant entre autres Tereza Berganza et Cecilia Lavilla.
Du 23 au 26 juin, à Essaouira, le festival Gnawa et
musiques du monde, qui draine jusqu’à 300 000 personnes !
En juillet, toujours à Marrakech, le festival des
arts populaires passe en revue tous les styles traditionnels de folklore marocain, avec des groupes en provenance
des différentes régions du pays (du 2 au 9 juillet).
A ces mêmes dates, nous recevons, également à Marrakech, le kids’cup, finale du plus grand tournoi international de tennis réservé aux jeunes de 9 à 16 ans.
Nous vous souhaitons à chacun un superbe printemps, et espérons à bientôt
Pour les nouvelles familiales, (cette rubrique est
destinée aux seuls proches – amis et famille) nous venons de fêter nos 3 ans de mariage marocain (3 ½ pour le mariage français) et sommes allés, pour l’occasion, passer une nuit dans une suite
dans une maison d’hôtes à la campagne, sans Elias, sans clients et sans les téléphones. Cela nous a fait du bien d’être tranquilles en tête à tête (première fois depuis la naissance
d’Elias !).
Pour ma part, je viens de fêter ma nouvelle dizaine en musique, puisque nous donnions un concert hier soir : notre chorale recevait
une chorale française, et la chorale marocaine participait également au concert. C’était sympa et très bon enfant. Notez que notre prochain concert, événement mondial, sera le 3 juin, à la
Mamounia !
Elias parle maintenant couramment français et marocain… en plus e la langue des bébés et d’un dialecte spécifique à nous deux. Il adore
parler et répète sans cesse tout ce que l’on dit. Il joue au foot tel Zidane au même âge, chante mieux que sa mère, et est dans une phase assez câline et bisouteuse, au plus grand plaisir de
tous. Il a une passion pour les avions, les chevaux et les ânes, il shoote dans les chats qui sont dans la rue (jusqu’à ce qu’il reçoive un coup de griffe). Il a relativement bon appétit et
préfère le chocolat (« latatatoun ») et les œufs (« toto »).
Nous restons assez pris par le travail de la maison en cette saison, et prendrons du repos plus tard. Le retour en France est prévu en
voiture / bateau, fin juin. Nous prévoyons, après 2 semaines en Bretagne avec toute la famille Kermel, de nous balader en France : Paris, Lille, Lyon, Chambéry, puis Toulon. Khalil rentrera
à Marrakech début août. Quant à Elias et moi, nous profiterons encore un peu de la fraîcheur française, et rentrerons au Maroc fin août.
Nous espérons vous voir cet été au cours de notre périple,
Affectueusement,
Véronique, Khalil et Elias
Bonjour de Marrakech,
Je sais que certains parmi vous s’inquiètent de mon silence « internautique »… Ne soyez pas inquiets. Tout va bien, nous sommes encore vivants ! J’ai eu pas mal de boulot avec la
haute saison touristique et la maison très remplie – je n’ai plus du tout autant de temps libre qu’avant... Ensuite est venue la chaleur, qui ralentit le rythme de chacun, et, avec la préparation
d’un concert (dans 2 jours !), je suis davantage à travailler ma voix de Castafiore qu’à raconter ma vie sur l’ordinateur. Enfin, c’est évident, j’ai moins de sujets d’étonnement que je n’en
avais dans les premiers temps de mon installation à Marrakech. Je ne dirais pas que je suis tellement intégrée que rien ne me choque, mais c’est
moins flagrant qu’auparavant.
Pour donner les dernières nouvelles, sachez tout d’abord que la nouvelle maison fonctionne très bien en maison d’hôtes et que nous sommes tout à fait satisfaits de cette première saison. Ayant
débuté « de rien » en octobre, on aurait pu penser que ce serait un peu difficile cette année. Bien au contraire. C’est grâce à vous tous, car c’est essentiellement le réseau d’amis et
de famille qui fait notre réputation, ainsi que les anciens clients : presque uniquement du bouche à oreille ! Alors merci à chacun d’entre vous, et en particulier à Yolande, dont
quasiment tout le cabinet est venu cette année chez nous ! Il faut dire aussi que le tourisme ici à enfin remonté au niveau le meilleur d’avant les attentats aux Etats-Unis en 2001 !
Notre fonctionnement est maintenant bien rodé avec du personnel assez autonome, et même s’il reste du bricolage que nous n’avons jamais finalisé, la maison tourne et est au point. Elle intéresse
d’ailleurs des gens qui souhaiteraient la prendre en gérance !
Malgré le monde, nous avons quand même gardé un peu d’intimité et de vie de famille, donc nous n’avons pas trop souffert d’être à temps plein dans une maison ouverte à la clientèle. D’ailleurs,
les clients des ryads sont plutôt des gens sympathiques et intéressants, ce qui nous a fait faire des rencontres amusantes, et nous nous sommes même fait de nouveaux amis ! Enfin, nous avons
eu de nombreuses visites d’amis, ce qui rend aussi les choses différentes.
Elias a charmé tout le monde et ne se lasse pas non plus d’avoir sans cesse de nouveaux visiteurs. Il parle maintenant un peu anglais, italien, Belge et japonais… Nous avons la chance qu’il ne
soit pas difficile, râleur ou casse pieds. Il a très bien pris ses marques dans cette maison et dans le quartier, où il est plus connu que Khalil ou moi. Tout le monde le salue et l’appelle par
son prénom, les filles l’embrassent, les gars jouent au football dans la rue avec lui, et il ne semble pas du tout étonné. Il parle maintenant assez bien, dans les 2 langues, même s’il fait de
drôles de mélanges (c’est bien utile pour moi, dans ces cas-là, de parler arabe). Il est bavard comme tout et passe son temps à raconter des choses. Il adore la musique et commence à connaître de
petites chansons qu’il aime chanter aux nouveaux venus (avec ou sans les gestes) et il aime toujours autant danser : dès qu’on entend un rythme un peu africain, ça démarre. Il dit maintenant
des phrases complètes : maman pa’tie chanter a la cho’ale, papa va p’end sa douche, Elias pèse douze kilos six, c’est bon le bibe’on, Salamatoun, labes, bechil (pour dire Bekhir) pour la
version arabe, bonjour, comment ça va, pour la version française. Rachida fait dodo dans son lit, Yassine pa’ti avec Samad. On va che’cher Anouar à Zago’a. J’arrête là car cela n’amuse que moi…
Il a toujours beaucoup d’humour, et n’est pas du tout apeuré par les gens, avec qui il rigole volontiers. Il dessine des escargots, pédale sur son nouveau vélo de grand (tricycle) joue toujours
très bien au foot, faisant la fierté de son père (champion régional à Zagora, quand il était jeune !). Il sait enfin jouer avec les cubes offerts par sa Mamita l’été dernier, et s’en donne à
cœur joie. Il aime beaucoup lire des histoires et en inventer de nouvelles. Son livre préféré est le livre des bruits, de Papito, qu’il connaît par cœur. Enfin, il a une passion pour l’eau depuis
toujours et prend des bains autant que possible, durant des heures, tant qu’on l’y laisse.
Nous sommes allés en famille passer 3 jours au bord de la mer dans un village au dessus d’Agadir : un vrai petit paradis, une petite maison appartenant à un couple d’amis, 3 chambres, un
salon et 2 terrasses au bord de l’eau. On a bien profité de ces 3 jours de calme, et nous nous sommes baignés dans une très bonne eau, Elias s’éclatant dans les vagues, courant dans l’eau, sans
peur, buvant la tasse de temps en temps, mais se relevant gaillardement pour repartir de plus belle. Nous avons profité à la fois de notre village un peu sauvage, et d’Agadir, une vraie station
balnéaire du genre côte d’Azur, avec une clientèle internationale et marocaine aisée, de belles voitures, des minettes le nombril à l’air… bien différent de Marrakech. Nous avons même vu le
Roi ! Qui nous suivait de près, au volant de sa Mercédès décapotable, juste derrière nous, pendant au moins 20 minutes sur la route entre Agadir et Taghazout, notre village. Il était suivi
de près par une voiture de barbouzes.
Une quinzaine de jours auparavant, nous étions descendus à Ouarzazate puis Zagora pour qu’Elias découvre la ville natale de son père, retrouve ses cousins et oncles et tantes de là bas, ainsi que
sa grand-mère. Nous sommes restés là bas 2 jours, profitant aussi des dunes de sable et du dromadaire (comme tous les petits, Elias a eu bien la trouille une fois sur le dos de la bête !).
Là bas, pas de plage, mais des piscines pour nous baigner avec les brassards tout neufs d’Elias, plus une bouée en forme de poisson : quel bonheur de barboter et même de nager tout seul dans
la piscine. Impossible de quitter la piscine sans un drame : tous les clients de l’hôtel me regardaient comme si j’étais une mère violente. Les jeux avec les cousins ont été assez
difficiles, car la jalousie et la violence des 2 petits de 2 ans (Adam, fils de Ghanima, et Elias, qui n’ont que 3 mois d’écart) étaient telles qu’on devait sans cesse les séparer pour ne pas
qu’il y ait de sang sur les murs : ils étaient prêts à s’arracher un œil ou à se mordre jusqu’au sang pour un vélo ou un ballon ! Heureusement qu’il y avait une grande fille de 4 ans,
avec laquelle Elias a bien mieux joué qu’avec son frère de lait (Elias avait eu le droit à une tétée de ma belle sœur lorsqu’il avait 2 mois et que j’étais absente).
Nous sommes maintenant à Marrakech jusqu’à la fin juin, avant le grand retour en France. Il fait déjà bien chaud, mais c’est tout à fait supportable. Nous profitons de la fraîcheur du
rez-de-chaussée de la maison les après-midi, avant de sortir une fois 18 heures passées. Nous avons trouvé une piscine pas mal et pas chère, au mess des officiers. C’est un peu loin, mais ça vaut
le coup. D’autant qu’on a de nouveaux amis que l’on y retrouve, Isabelle et ses 2 filles, Lila et Zélie, qui aiment bien jouer avec Elias, le pouponnant un peu et lui préparant des gâteaux faits
maison pour le goûter ! Il est comme un coq en pâte !
Khalil quant à lui a eu une bonne année à tous les niveaux professionnels, sans non plus tomber dans un rythme trop effréné. Il est toujours adoré par ses groupes de touristes, en particulier
ceux qui viennent en quête d’une meilleure connaissance du pays ou de la religion. Ils ont toujours des échanges denses et complets. Il est un papa bien gâteux, mais autoritaire quand il faut. Sa
grosse voix impressionne beaucoup Elias quand il crie. Il a bien besoin cependant de repos, après une année dense et pas de vacances l’été dernier !
Pour ma part, tout baigne, j’ai une vie tranquille mais assez remplie pour ne pas m’ennuyer. Je profite de mon fils, de mon mari et de mes amis quand ils viennent. J’ai quelques amis ici, mais
pas encore assez, ni de vrais bons amis. Cela viendra sans doute avec les parents d’élèves quand Elias ira à l’école. J’apprécie toujours Marrakech, malgré la pollution et la chaleur, et ma
chorale me donne de nombreuses satisfactions.
Nous vous embrassons bien affectueusement,
A bientôt
Véronique, Khalil et Elias
Dernières nouvelles de Marrakech avant l’été
Une fois les touristes partis (la haute saison se finissant fin mai avant de recommencer début octobre), pas le temps de souffler : une partie de ma belle famille est chez nous, ma
belle-mère ayant quelques soucis de santé. Finalement, nous ne sommes que très rarement tranquilles tous les 3 en famille et, bien que nous apprécions la compagnie, c’est parfois un peu pesant.
Mais, heureusement, ma belle mère n’est pas trop envahissante, ses filles non plus. Elles ont seulement la voix un peu aiguë et crient d’un étage à l’autre de la maison pour appeler les uns les
autres. Elles sont sympas et ont un don pour jouer avec Elias et le faire rire, c’est extraordinaire ! J’ai 4 ou 5 nounous à la maison, alors j’en profite pour sortir un peu faire des
choses, tranquille, toute seule. D’autant que le temps, après une dizaine de jours très chauds et lourds (nous sommes allés jusqu’à 46° il y a quinze jours), est super ! Frais la nuit, chaud
dans la journée mais avec de l’air, le bonheur des Bretons ! Cela fait du bien, d’autant que les 2 derniers mois ont été un peu durs, du monde à gérer, Khalil très pris, une grossesse qui a
mal tourné – fatigante – pour finir avec une fausse couche un peu difficile la semaine dernière – le moral commence à remonter, mais nous avons eu des moments un peu douloureux. Khalil, lui,
vient de partir pour une semaine superviser la caravane des épices à Ouarzazate. L’année a été très bonne pour la boutique, et la prochaine saison est prometteuse, alors il ne faut pas louper
l’organisation des équipes, et faire un peu de marketing. Son retour est prévu une semaine avant que nous prenions la route pour la France.
Je fais ces jours ci mes derniers achats dans les souks avant que la chaleur ne fasse son grand retour (on nous annonce 41° pour vendredi). Après, si tout se passe bien, nous ne ferons que de la
piscine, histoire de se rafraîchir pour ne pas fondre de chaleur ou se retrouver enfermés dans une chambre climatisée. Elias parle de la piscine matin, midi et soir. Avec le melon, c’est sa
passion. Il est en grande forme et fait des progrès considérables en arabe avec la présence de ses tantes et de sa grand-mère. C’est toujours la star, et il sait très bien en jouer. Avec moi,
cela tourne souvent au caprice, car je ne cède pas à tout, ce qu’il ne comprend pas du tout. Nous l’avons inscrit dans un jardin d’enfants à partir de septembre prochain, les après midi
seulement, afin de ne pas trop nous brusquer le matin. C’est un endroit sympa, dans une villa du quartier moderne : pas de grands, que des petits entre 1 an et ½ et 6 ans. Il y a un jardin
avec des arbres et des jeux, les enfants ont l’air d’y être bien, et la directrice a un souci diététique qui m’importe beaucoup, dans un pays où l’on donne n’importe quoi à manger aux petits
(tout devient industriel, trop salé, trop sucré, trop de conservateurs…).
Ma belle mère est venue avec sa bonne, une jeune fille de 16 ans, toute mignonne, qui n’a qu’une envie : jouer avec Elias. Elle me fait pitié, car, fille de pauvres de la région de Zagora,
elle est installée dans une famille pour faire la bonne mais ne gagne rien, sauf un toit et à manger (cela enlève, certes, une bouche à nourrir chez ses parents). Elle n’est pas du tout mal
traitée, mais elle trime, pour une fille de 16 ans, sans horaires, elle est aux ordres de mes belles sœurs qui la hèlent à travers le patio, pour un verre d’eau ou aller chercher le sac de l’une,
les médicaments de l’autre. Elle ne mange qu’après nous, ne se couche qu’à point d’heure, … Ce n’est pas cendrillon, mais pas loin et je trouve cela assez dur que cela se passe chez moi. Elle est
souriante et a un joli visage. Elle fait partie de ces gens blacks du sud, descendants des esclaves qui venaient d’Ethiopie et qui restent des « sous-populations » toujours au service
des « races blanches nobles ». C’est un peu dur comme constat, mais pour les marocains, c’est tellement normal !
A l’heure du départ, je fais le bilan de l’année :
Les grandes satisfactions de l’année passée :
- Elias, of course, qui ne cesse de nous apporter des satisfactions, que du bonheur, hors
quelques crises d’énervement vite oubliées,
- La maison, qui est jolie, accueillante, et qui « marche » bien : les gens nous
apprécient et reviennent, ou nous envoient leurs amis, le livre d’or est plein de gentilles pensées, nombreux sont ceux qui nous donnent des nouvelles une fois rentrés chez eux, envoient une
photo…
- La chorale et les concerts, un grand moment de plaisir partagé, avec les autres choristes
(ainsi qu’Elias, à qui j’impose de répéter avec moi à la maison…) plus qu’avec Khalil, mais ça viendra peut-être,
- Quelques moments en famille avec des crises de rigolade à trois, mes hommes étant plutôt du
genre joyeux lurons,
- 3 jours de vacances passés au bord de l’océan atlantique en famille, simple mais extra,
Les mauvais souvenirs :
- pas grand-chose, je crois que j’ai une grande capacité à oublier ce que j’ai mal vécu, c’est
une chance, je pense,
- ah si, la migraine le jour de notre emménagement en médina, alors que Khalil n’était pas là et
qu’il fallait gérer 15 hommes qui cherchaient, à minuit trente, à faire rentrer un canapé par un passage où il était évident qu’il ne passerait pas !
- quelques clients casse pieds, il y a toujours des emmerdeurs partout, mais je ne me souviens
même plus de leur nom,
Tout ce qu’on est contents de laisser ici pour 2 mois,
- Les touristes qui se sentent en terrain conquis, négocient au point de laisser le vendeur sans
grand chose dans la poche, ont l’impression d’être généreux quand ils donnent un dirham au mendiant de 70 ans qui traîne plié en 4 dans la rue, ne se rendent pas compte que leur décolleté ou
leurs cuisses blanches choquent tout le monde ici, tutoient d’office les marocains, et j’arrête là car je vais devenir méchante,
- Les marocains qui en ont marre de voir des étrangers (même ne roulant pas sur l’or) si pleins
d’argent, et qui cherchent à les arnaquer par tous les moyens,
- La saleté, la (non)gestion des ordures, la poussière, la pollution,
- la pauvreté, les mendiants, vieux ou femmes avec enfants,
- la culpabilité quotidienne de vivre « dans le luxe » au milieu de gens qui sont
démunis,
- la circulation anarchique et « chacun pour soi » si typique de Marrakech,
- les bakchiches et la corruption,
- certains français d’ici, qui agissent comme des néo colons, à qui peu d’argent suffit à donner
un petit pouvoir dans un pays comme le Maroc,
- certains marocains d’ici, un peu friqués, qui n’en peuvent plus de montrer qu’ils ont réussi,
qui maltraitent leur personnel, et sont plus racistes que les étrangers,
- l’appel à la prière à 3h30 du matin tous les matins,
- la chaleur dehors et dedans, et la clim dans la chambre pour pouvoir se reposer,
- le calme et la nonchalance des gens d’ici,
Ce qui va nous manquer énormément pendant 2 mois,
- le calme et la nonchalance des gens d’ici,
- La pastèque, le melon, les cerises, les pêches, les figues, tous les fruits marocains de
saison, savoureux et juteux,
- les tajines et le couscous du vendredi,
- Les nounous, et surtout Yassine, presque grand frère d’Elias,
- La musique et les tam tams de la place jemmaa el fna (promenade quotidienne d’Elias),
- La lumière du crépuscule, le bleu de la nuit étoilée, la clarté de l’aube, quand elle est
fraîche,
- L’extrême gentillesse de la plupart des gens que je côtoie,
- L’attention portée à Elias par tout le monde, connus comme inconnus,
- Le fait de manger avec les doigts dans le même plat que les autres convives (surtout pour
Khalil et Elias),
- Le regard sans jugement des gens d’ici, et leur grande tolérance,
- Le thé à la menthe, surtout pour Elias, qui est devenu accro,
- Le temps qui n’est pas compté et que les gens vous consacrent,
Je m’arrête car cela va devenir mélo,
Je vous embrasse bien fort, et vous dis à bientôt, en live, inch’allah,
Affectueusement,
Véronique