Bonjour,
Nous sommes à quelques jours de la fête de l’aïd sghrir, fête qui clôt le mois sacré du ramadan. Cette année fut dure à cause de la chaleur pour tous les marocains, et dure pour la famille à cause de l’état de santé de Hajja. Après un début de ramadan chez nous, elle est descendue sur Zagora, où elle n’est resté qu’une semaine, et est remontée en catastrophe à cause de problèmes d’eau dans les poumons. Elle a passé une semaine à l’hôpital et la voici à nouveau chez nous, mais pas du tout remise et très faiblarde. Elle ne suit pas les conseils des médecins (refuse l’opération conseillée il y a 3 ans, ne va pas voir son cardio tous les 6 mois mais tous les ans….), ne se soigne pas correctement, et elle en subit maintenant les conséquences. Elle a exigé de sortir deux jours avant l’heure de l’hôpital et nous en gérons les suites à la maison. Par ailleurs, elle est capricieuse, et difficile, et j’admire ma belle sœur Afifa, qui est à temps plein avec elle et est d’une patience exemplaire !
Nous prévoyons d’avoir de nombreuses visites de la famille élargie pour l’aïd, Hajja étant ici. Cela nous changera des fêtes un peu solitaires habituellement lorsqu’on reste sur Marrakech : traditionnellement les gens rentrent dans leur famille et les grandes villes sont moins sympas que les petits bourgs. Comme nous n’avons pas beaucoup de clients au ryad, j’ai demandé aux filles de me préparer des pâtisseries pour la fête (les visiteurs attendent le thé et les pâtisseries dans toute maison qui se respecte).
Elias a maintenant pris ses marques à l’école, il a de bons copains et une « bonne copine », progresse en dessin, et raconte volontiers tous les événements de la journée (l’année dernière il fallait lui tirer les vers du nez). Je me suis moi aussi habituée au rythme, bien que le ramadan et ses dîners tardifs ne soit pas très adapté aux horaires normaux d’école. Nous sommes en horaire d’hiver, avec les repas à la maison. Nous avons organisé un tour avec d’autres mamans pour gérer les déjeuners, ce qui est bien pratique (moi, j’ai 4 petits de 5 ans le lundi, migraine garantie après les avoir ramenés à l’école à 14h00 !). Il y a 2 après midis libres par semaine, ce qui laisse le temps pour les multiples activités annexes. Pour le moment le climat permet d’aller tous les jours au club prendre de bons bains. D’ici un mois, il faudra commencer les activités « d’hiver ».
Elias a toujours beaucoup de questions sur la mort. Il dit qu’il ne voudrait pas que ses parents meurent avant d’être vieux. Il demande pourquoi parfois des gens meurent jeunes. Il philosophe aussi pas mal : « c’est pas gentil de se moquer de gens qui n’ont pas la chance d’être beaux », il m’interroge sur les paroles des chansons que j’écoute, adorant particulièrement « le chanteur mal poli » - entendez Renaud : « maman, qu’est-ce que ça veut dire « leur filer des coups de pieds pour de faux » ? ». On est actuellement branchés sur Joan Baez (Gracias a la vida en particulier - un must!), et Elias essaie d’apprendre et de comprendre les paroles en espagnol.
Il a commencé les leçons de piano (juste une demi-heure par semaine d’initiation) avec un professeur qui donne les leçons chez lui et qui est très pédagogue. Le premier cours a été très intéressant et ludique. Il est tout fier d’avoir appris « le do du milieu » !
Mayssa se met à parler de mieux en mieux, faisant des petites phrases : « moi veux piscine », « veux de l’eau », « plaplapla (s’il te plait) mnam mnam (à manger) », « ohlala, zoli ! » en montrant mes boucles d’oreilles quand j’en change, et Khalil est super fier car elle dit le prénom de son père avec un accent parfait ! elle dit « azu, assam, tele, film» pour demander qu’on lui mette Azur et Asmar à la télé, son film culte ! Elle en connaît l’air par cœur, mais pas encore les paroles. Elle ne veut qu’une chose, imiter les autres et surtout son frère, son idole. Malheureusement, Elias n’est pas vraiment un très bon exemple : il lui fait faire des bêtises (bézites, dit-elle) et cherche à lui faire dire des gros mots. Elle est tellement enchantée par les éclats de rire de son frère que les grondements de sa mère n’y font pas grand-chose ! (Bon, je sais, j’ai un léger problème d’autorité).
J’ai repris quant à moi mes allers-retours à l’hôpital. Cet hôpital est le nouveau CHU de Marrakech, énorme, tout neuf, super équipé, mais pas encore fourni en personnel suffisant. Il a été inauguré par le Roi en mars ou avril dernier, alors on y avait mis le service de pédiatrie (12 lits seulement, faute de personnel) avec lequel on travaillait jusqu’alors. Depuis, des concours ont été ouverts, le personnel a été recruté et, petit à petit, on ouvre d’autres services : gynéco-obstétrique (un premier nouveau-né y est né la semaine dernière), néo-natalité (le premier service de néo-nat à Marrakech, jusqu’ici il fallait aller à Rabat !) et bientôt les urgences. Je vous joins en fin de mail, pour ceux que cela intéresse, quelques extraits que j’ai compilés en mai dernier, lorsqu’on a fait un travail sur la mort avec d’autres bénévoles à la suite de plusieurs décès dans les services dans lesquels nous allons.
Saviez-vous que les fillettes pourraient se marier à 9 ans !
Vous avez peut-être suivi les débats qui ont suivi l’annonce sur internet d’un prédicateur (extrémiste) d’ici qui a annoncé que les filles de 9 ans pouvaient bien se marier. De nombreuses voix se sont levées pour dénoncer de discours. Je suis bien contente de savoir que ce fou n’aura plus de lieu de prêche.
Voici un article lu dans « Le Monde » sur internet qui explique ce qu’il en est :
« Les autorités marocaines ont fermé les écoles coraniques d'un théologien, auteur d'une fatwa autorisant le mariage des fillettes de neuf ans, et elles prévoient la fermeture complète de son site internet "dès vendredi", a indiqué jeudi une source sécuritaire à Rabat.
"Les instructions des services portent sur la fermeture de l'ensemble des sites de Mohamed Maghraoui, notamment le siège de son association +Prédication pour le Coran et la tradition du prophète+ qui se trouve à Marrakech" (sud), a indiqué cette source à l'AFP.
"Les petites écoles coraniques et le siège de l'association ont été fermées, le site internet le sera totalement, dès vendredi," a-t-elle assuré.
Les écoles coraniques appartenant au cheikh Mohamed Maghraoui accueillent depuis début 2003 des jeunes âgés de 6 à 16 ans.
Selon la presse, M. Maghraoui est un salafiste wahhabite orthodoxe et son association est "financée par des aides saoudiennes".
Début septembre, Mohamed Maghraoui, fondateur de cette association islamique à Marrakech qui revendique une soixantaine de "maisons coraniques" dans le pays, a mis en ligne une fatwa (avis religieux) qui autorise le mariage des filles de neuf ans.
"Les filles de neuf ans sont aussi capables de mariage que celles de 20 ans et plus", avait affirmé le théologien.
Cet avis religieux a suscité des réactions de protestations parmi des organisations non-gouvernementales et la presse marocaines, et qui ont culminé dimanche avec une condamnation par le Conseil supérieur des oulémas (présidé par le roi Mohammed VI) et l'ouverture d'une enquête par le procureur du roi à Rabat.
L'âge minimum du mariage des filles au Maroc a été fixé à 18 ans par le Code de la famille, adopté en 2004 : c’est rassurant !
Pour mémoire, ma belle-mère s’est mariée à 13 ans avec un vieux monsieur qui avant déjà eu 2 femmes (consécutives) et dont les enfants étaient plus âgés que sa nouvelle femme… bon, d’accord, c’était il y a 50 ans, mais ça fait bizarre !
Allez, je vous embrasse et vous souhaite un bon week end, je suis avec les enfants et leurs cousins, essayant de les garder calmes, attendant les hommes, pendant que mes belle-sœurs préparent le repas de rupture du jeûne en bas et ma belle-mère dort dans le salon. Dans une heure la rupture du jeûne, et ce soir, dîner couscous vers minuit : c’est la nuit du destin : vous vous souvenez sans doute mes premiers mails, c’est la nuit où le coran descend sur Mahomet, transmis par l’archange Gabriel. En souvenir, on récitera des prières toute la nuit dans les mosquées du royaume.
versets de la Sourate Al-Qadr (97)
Au nom d’Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux.
Nous l’avons certes, fait descendre (le Coran) pendant la nuit d’Al-Qadr.
Et qui te dira ce qu’est la nuit d’Al-Qadr ?
La nuit d’Al-Qadr est meilleure que mille mois.
Durant celle-ci descendent les Anges ainsi que l’Esprit, par permission de leur Seigneur
pour tout ordre.
Elle est paix et salut jusqu’à l’apparition de l’aube. »
C’est-à-dire que la prière, la récitation du Coran et le dhikr ( souvenir d’Allah) exécutés dans cette nuit sont meilleurs que ceux exécutés dans mille mois dépourvus de la nuit de Al-Qadr.
Allez, Dieu soit avec vous,
Si vous avez envie d’émotion, lisez ce qui suit,
Véronique
Quelques textes sur la mort que j’aime particulièrement :
Un corps grandit dans la matrice impensable d’un ventre. Un jour, il fait surface dans la durée commune, puis il vit sa vie de corps, jour après jour. Un autre jour vient, on lui ferme les yeux, on le descend dans la terre dont on nous dit que silencieusement elle accomplit son travail à l’envers, défaisant les chairs, libérant les os, soufflant enfin toute cette poussière d’être. Les deux événements font la rime. La mort est ce par quoi nous découvrons le temps. L’anticipation de cet instant est ce par quoi prend forme sous nos yeux la conscience que nous avons d’exister. Alors, nous nous retournons et nous comprenons que c’est par la naissance que la mort est entrée déjà dans notre vie.
Tous, une même nuit nous attend. Mais le soleil n’est pas encore couché. Commande qu’on t’apporte les vins, les parfums, les fleurs trop brèves de l’aimable rosier. La mort viendra mais elle n’est rien pour nous. Ce qui est dissous est privé de sensibilité, et ce qui est privé de sensibilité n’est rien pour nous. Le temps infini ne contient pas davantage de plaisir que le temps fini. La durée plus grande de notre vie ne retranche rien du temps réservé à la mort. L’existence la plus courte, si l’on en jouit, est une coupe débordante de fruits, de grappes. Elle enivre de parfums calmes, elle rassasie de saveurs.
Hugo écrira plus tard qu’il aurait tout donné de sa vie pour n’avoir été « qu’un homme qui passe tenant son enfant par la main ». Hugo a vu ce que toujours on dissimule : l’absurde mat et brut sur lequel toute existence bute, l’écran infranchissable de l’autre côté duquel il n’est rien : « oh, l’herbe épaisse où sont les morts ! »
Le 4 septembre 1852, il est à Jersey et il écrit :
« il me semblait que tout n’était qu’un affreux rêve,
qu’elle ne pouvait pas m’avoir ainsi quitté,
que je l’entendais rire en la chambre à côté,
que c’était impossible enfin qu’elle fût morte,
et que j’allais la voir entrer par cette porte !
Oh, que de fois j’ai dit : silence ! elle a parlé !
Tenez, voici le bruit de sa main sur la clé !
Attendez ! elle vient ! laissez-moi, que j’écoute !
Car elle est quelque part dans la maison sans doute ! »
Philippe FOREST, l’enfant éternel
La prière des soignants :
Seigneur,
Fais de moi l’instrument de ta santé
Que j’apporte au malade la guérison,
Au blessé le secours,
A celui qui souffre le soulagement,
A celui qui est triste la consolation,
A celui qui désespère l’espoir,
A celui qui meurt l’acceptation et la paix,
Permets que je ne recherche pas tant à avoir raison qu’à consoler,
A être obéi qu’à comprendre,
A être honoré qu’à aimer,
Car c’est en se donnant qu’on guérit,
C’est en écoutant qu’on console,
Et en mourant qu’on naît à la vie éternelle,
Prière de Saint François (modifiée par Charles C. Wise)
La prière des alcooliques anonymes :
Seigneur, donne-moi la sérénité d’accepter ce que je ne peux pas changer,
Le courage de changer ce que je peux,
Et la sagesse de voir la différence.
Elisabeth Kubler Ross – la mort, dernière étape de la croissance